Soukhouane pour Laëtitia et Terence
Posted by LeslieVendredi, journée besogneuse, soirée harmonieuse… Une cérémonie pour les proches, un moment chaleureux, une petite parenthèse privilégiée avant le grand déchainement du Samedi. Pour ce mariage Lao, nous avons été accueilli par Martine et papa, au Château de la Saurine.
Pour la cérémonie du Soukhouane, la famille prépare un grand plateau, le “Phakhouan”, sur lequel on pose coupes et vases en argent décorés de fleurs qui contiennent des aliments pour le “Khouan”. Le “Baci” est une cérémonie par laquelle le bon peuple lao, au milieu des sourires et des fleurs, manifeste sa joie de vivre et la générosité de son coeur. Il est organisé à toute époque de l’année. Par cette cérémonie, on formule les voeux de toutes sortes à l’enfant qui vient de naître, à la femme qui relève de couches, au malade qui vient de guérir, à l’homme qui va entreprendre un long voyage ou qui rentre dans son foyer. Il y a des “Baci” de nouvel an, des “Baci” offerts aux haut personnage, à la famille de passage, aux amis qu’on retrouve ou aux fonctionnaires qui viennent d’obtenir une distinction honorifique : souhaits de bienvenue ou de bon voyage, de bonheur et de prospérité. Et bien sûr, il y a le Soukhouane pour célébrer un mariage.
Le soukhouane, est le “rappel des forces vitales”, ou bàci. D’après les croyances animistes, qui, malgré la conversion lao au Bouddhisme, sont parvenues à se maintenir jusqu’à présent, chaque partie du corps d’un être vivant – et même certains animaux et objets “inanimés” – est dotée d’une contrepartie intangible qui, même pour le Lao, ne se définit que très vaguement. Nominalement au nombre de 32 – chiffre symbolique – ces forces vitales (ou esprits vitaux) assurent le bon fonctionnement de chaque organe du corps.
Un homme n’est au meilleur de sa forme, physiquement ou moralement, que lorsque tous les khouanes demeurent à leur place normale. Ces forces peuvent quitter le corps de leur propre gré et agissent, dans ce cas, comme des esprits doués d’une volonté et non comme de simples forces. Ils ont, alors, tendance à vagabonder et partager la vie des phi et des autres créatures peuplant le monde surnaturel, s’exposant ainsi à bien des dangers. Ils peuvent également quitter le corps d’un individu lorsque ce dernier tombe malade, est victime d’un accident ou est, tout simplement, pris d’une grande peur.
Il est donc normal, quand une personne arrive à un moment critique, ou à un point tournant, marquant son existence ou lorsque sa vie est, ou vient d’être mise, en danger, de faire le rituel du soukhouane afin d’assurer que le bénéficiaire est redevenu un être complet et équilibré, apte à faire face à son avenir. Le soukhouane est pratiqué non seulement à l’occasion des mariages mais aussi pour donner un nom à un nouveau-né, pour une femme venant d’accoucher, en signe de bienvenue, lors d’un départ pour un long voyage etc.
Avant de procéder à la cérémonie, il est nécessaire de préparer un plateau garni d’offrandes appelé ba khouane. Au centre de ce plateau est disposée une large coupe d’argent dans laquelle des cornets de feuilles de bananier contenant des fleurs sont entassés en pyramide. Des fruits, des oeufs, un poulet bouilli, des pâtisseries, de l’argent, des cierges, des verres d’alcool, des bâtonnets d’encens et des cordelettes de coton sont disposés dans la coupe centrale et sur les bords du plateau. D’autres coupes d’offrandes sont parfois apportées par des parents ou des amis participant à la cérémonie.
Lorsque l’assistance s’est assise autour du ba khouane, l’officiant débute la récitation des formules rituelles par des invocations aux Trois Joyaux (Bouddha, Dhamma, Sangha) et aux divinités tutélaires pré-bouddhiques. Viennent, ensuite, les formules priant les khouanes de regagner leur habitat normal, à venir profiter des offrandes :
“Venez, o khouanes bien-aimés, vous qui êtes partis servir les (divinités) célestes,
Et vous, qui êtes retenus dans les profondeurs de l’enfer Aveci !
Ne demeurez pas ainsi au pays des phis !
Ne demeurez pas dans les monts et les bois !
Venez à la maison prendre votre part de riz sur le plateau !
Venez à la maison prendre votre part de poisson dans la coupe !
Venez à la maison et puisez l’eau de la cuvette !
Venez, o khouanes demeurant dans la jungle; méfiez-vous des phi phon !
O khouanes qui demeurez dans les champs, craignez que les buffles ne vous encornent !
O khouanes qui demeurez sur les hauteurs, craignez que les termites ne grimpent sur vous !
O khouanes demeurant dans les arbres, redoutez les bêtes sauvages !
Venez, o khouanes ! Lorsque vous serez parvenus dans les champs, ne butez pas sur les touffes d’herbe !
Quand vous aurez atteint les rizières, ne vous heurtez pas aux souches de riz ! ”
Les khouanes ayant été invités à recevoir les offrandes, l’officiant récite, alors, des formules qui se résument en des voeux de longévité, de prestige, de bonheur, de force, de fidélité. Ces voeux sont accompagnés par la ligature d’un fil de coton autour du poignet des mariés. Ces fils de coton bénis proviennent du Phak Khouan : ils sont liés et enfilés autours d’un bâtonnet, qui est lui-même piqué parmi les fleurs. Suite aux voeux de l’officiant, tous les invités partagent entre eux les fils bénis, afin de venir lier les poignets des mariés, en leur souhaitant des voeux de bonheur.
La ligature du poignet, effectuée selon les normes rituelles, fixe symboliquement les khouanes au corps d’une personne dont on retire, par ce même geste, les mauvaises influences tout en y faisant entrer les bonnes.